Le retour du loup en Ardenne
Il y a quelques années, cette hypothèse faisait encore sourire bien du monde, à l’exception de quelques naturalistes visionnaires et utopistes. Pourtant on le sait, le loup semble être de retour à l’état sauvage à quelques pas nos contrées ardennaises.
Nuance
Mais je vais déjà vous donner mon avis sur cette phrase clé « Le loup est de retour chez nous » : pour moi, il ne sera que de passage, simplement parce que le territoire belge est trop restreint. Il privilégiera certainement des endroits peu ou pas du tout fréquentés par l’homme et même si l’Ardenne est vaste, elle reste relativement peuplée et tronquée de nombreux axes routiers. J’ai donc le sentiment qu’il n’y serait pas à l’aise.
Il pourrait en revanche éventuellement trouver son bonheur dans les vastes domaines forestiers des Cantons de Est et s’y installer, mais je n’en suis pas certain. Ce n’est que mon avis mais selon moi : moins on le localisera, plus il sera logiquement tranquille et apte à s’installer.
Une Nature en bonne santé
S’il devait s’y installer, choisir nos terres et nos forêts, c’est parce qu’elles sont en bonne santé. La nourriture est abondante et le biotope de remarquable qualité. Le loup est un régulateur naturel, il s’attaque au gibier plus faible et malade, régule la population et contribue à l’équilibre écologique d’un milieu. Il n’élimine pas toutes ses proies sinon il n’a plus rien pour se nourrir. Aucun risque donc de voir une espèce disparaître chez nous à cause de la présence du canidé.
Mais c’est évident, le loup tue. Il se nourrit principalement de grands herbivores sauvages comme le cerf, le chevreuil, le sanglier, le mouton, etc. Seuls les plus vulnérables de ces espèces-proies seront chassées. Bien évidemment, il chasse des proies de tailles plus réduites tels les lapins, lièvres, castors, marmottes, écureuils, mulots… Non, il ne chasse pas l’homme 😉
Mes inquiétudes ?
La cohabitation
Ce qui m’inquiète le plus c’est l’attitude que nous allons avoir face à ce retour, qu’il soit durable ou éphémère.
La Région wallonne a anticipé la chose en plaçant l’animal sur la liste des espèces intégralement protégée (espèce strictement protégée en vertu de l’annexe IVa de la Directive 92/43/CEE et de l’annexe II de la Convention de Berne).
Car le loup s’attaque aussi de temps à autre aux troupeaux isolés et c’est à ce moment là qu’il pose un souci pour l’homme. À ce sujet, je pense qu’une vraie politique d’indemnisation, concrète et précise, doit être mise en place pour protéger les éleveurs. Une pareille mesure est d’ailleurs en cours si je ne m’abuse, mais il n’est pas évident de changer un décret. Le fait est que le problème ne s’est jamais encore vraiment posé (hormis une ou l’autre exception) en Belgique. Quoi qu’il en soit, je peux comprendre que les éleveurs s’inquiètent face à cette situation. Avoir un élevage demande de l’investissement et davantage pour protéger les troupeaux.
Des solutions ?
Promettre un dédommagement à un éleveur n’arrangera pas le souci de cohabitation. Comprendre et anticiper le comportement du prédateur peut-être bien… Dans certaines situations, on a déjà observé que des meutes passaient très près des troupeaux sans les attaquer. Dans d’autres cas, bien qu’ils aient à leur disposition de la nourriture sauvage et peu de moutons en captivité, ils les attaquaient sans hésitation.
Je ne suis pas un spécialiste mais je sais que le loup est intelligent. Même les bergers le soulignent. Comme le chien, il comprend la notion de punition et on pourrait très bien imaginer des solutions de dissuasion efficaces pour lui faire comprendre qu’il n’est pas le bienvenu. On peut aller plus loin en imaginant qu’il transmette cette notion à sa meute !
On arriverait alors à délimiter les territoires et garder un moyen de protection des troupeaux.
Un danger pour l’homme ?
C’est LA question… Certains opposants avancent des histoires racontant que des randonneurs blessés se sont déjà fait attaquer par la dite « bête ». J’ai du mal à y croire mais cela n’engage que moi. Et même si les faits s’avèrent véridiques, c’est la nature. Des cas rares et isolés qui arriveront encore comme c’est le cas chaque année avec les ours, les requins et autres bêtes à l’état sauvage, pour ne pas dire sauvages.
Oui le loup est un animal sauvage et je pense qu’il est grand temps que notre société sache laisser sa place à la faune dite sauvage au lieu d’aseptiser tout ce qui nous entoure. Il est temps de sensibiliser les plus jeunes à la situation, leur donner envie de se renseigner, de comprendre. Attiser la curiosité et non la crainte.
La régulation
J’espère aussi que le loup s’auto-régulera comme il est censé le faire sur un territoire restreint comme la Belgique afin de ne pas se multiplier à foison comme le castor le fait depuis sa réintroduction. Certains affirment d’ailleurs que la présence en masse du rongeur serait une des causes du retour du loup, de par la quantité de nourriture qu’il représente…
Si ce n’est pas le cas, je m’attends au pire : l’apparition abusive des dérogations de chasse (prélèvements), de nouvelles polémiques, la pression médiatique et politique… comme c’est finalement déjà le cas en France.
La chasse
C’est un sujet épineux que je n’oublierai pas de mentionner. Car quoi qu’on en pense, les chasseurs jouent aussi un rôle de régulation. Je ne suis pas fan de chasse mais on ne peut nier que depuis l’absence de réel prédateur naturel dans nos contrées, les sangliers et autres espèces pullulent. Mais les chasseurs n’aiment pas les loups car ils dispersent le gibier. Je croise donc les doigts pour que l’espèce reste protégée, qu’elle s’auto-régule et qu’on ne la chasse pas sur dérogation, ce qui pourrait inviter aux abus…
Traitement médiatique
Ma plus grosse crainte est celle de la façon dont sera traitée la situation par les médias. Le loup déchaîne encore et toujours les passions et les réactions les plus diverses : certains s’en réjouissent, d’autres leur portent très peu d’affection, du mépris, un désintéressement mais surtout énormément de crainte, et ce depuis longtemps. Car le loup a toujours eu une mauvaise réputation, alimentée par les contes, les légendes, et surtout par les médias. Le loup est sans le vouloir entré dans nos mœurs comme un symbole plus qu’un animal…
Je croise donc les doigts pour que les médias traitent avec prudence le sujet au lieu de favoriser les gros titres alarmants et les images de troupeaux dépecés.
Intimité
C’est aussi d’actualité, le tourisme autour des animaux. Certains parcs animaliers en Belgique défendent honorablement la cause animale et participent activement à la réintroduction d’espèces menacées. Je n’y vois pas un souci s’ils respectent les valeurs qu’il avancent. Mais j’ai peur que le loup devienne une attraction touristique… Des expéditions d’observation, etc. Je suis peut-être naïf, mais j’y pense. S’immiscer dans leur intimité serait la dernière chose à faire.
Cela me rappelle une récente publication postée par mes soins sur les réseaux sociaux : j’interrogeais mes contacts sur le fait qu’on racontait que des loups avaient été observés à 5 km de chez moi, dans la région de Durbuy. Même si il s’agissait de chiens errants, on m’a fait remarquer que le jour où quelqu’un verrait vraiment un loup, la dernière chose à faire serait de le dire sur les réseaux sociaux. On est bien d’accord. Encore une fois on en revient à la capacité aux gens à rester humble et discret face à cette situation, au risque de tout gâcher.
Ma conclusion
Amoureux de la Nature, je suis évidemment enthousiaste à l’idée que le loup revienne chez nous. C’est finalement sa place ! Depuis les années que je baguenaude sur les sentiers, je fantasme à l’idée de rencontrer des animaux sur mon chemin. J’ai toujours adoré cet aspect de mes escapades et il a souvent été un but de sortie à part entière comme par exemple en Forêt de Saint-Hubert.
Rencontrer un animal est toujours un moment particulier à vivre, seul face à la nature. Un instant unique, précieux, qu’il n’est pas toujours évident de prendre en image. Et ça tombe bien car la plus belle image que je garde est celle que j’ai dans le fond de mon esprit, celle qui m’émeut au plus haut point et que j’apprécie me remémorer. Dernièrement, c’est deux cerfs qui ont émergé hors de la sylve, effrayés autant que j’ai été surpris. Et là surgit le réflexe de blogueur, celui de chercher le bouton de mon appareil photo. Le temps de quelques mouvements précipités, le binôme « d’élaphes » est déjà presque inaccessible à l’œil nu. J’abandonne l’idée de prendre à tout prix une photo et je profite des quelques secondes qu’il me reste devant ce si beau spectacle…
Souvent seul, j’aime cependant partager ces moments avec mon entourage et plus particulièrement avec vous sur le blog. Quel plaisir de rencontrer un renard pas très farouche lors de la sieste, une biche surprise sur les hauteurs d’une réserve naturelle, une harde de sangliers avant la pause de midi, un milan royal survolant un vallon… et ces deux cerfs que j’ai failli rater.
Mais jusqu’à aujourd’hui, je ne pensais pas à la possibilité de pouvoir un jour croiser un loup. Je me suis beaucoup renseigné sur le sujet, j’ai lu toutes sortes d’articles alarmistes ou enthousiastes. Il y a un an, j’en étais encore à penser que tous cela n’était que des histoires médiatiques et médiatisées. Mais je me rends compte que au delà des publications, nous sommes davantage dans la réalité que dans la fiction. Et je vous avoue que cet animal et tout ce qui l’entoure me fascine. Je sais qu’il y a peu de chance qu’un jour je puisse en croiser un sur les sentiers, mais je me donne le droit de rêver et de garder cela pour moi.
Je reste cependant inquiet et je me questionne encore : ne serait-il pas finalement préférable qu’il ne soit que de passage ? J’espère et je pense que ce sera le cas, cela éviterait bien des problèmes…
Quoi qu’il en soit, Canis Lupus pose la question de la volonté de l’homme à s’adapter, sans à tout prix souhaiter contrôler l’incontrôlable. Prévoir l’imprévisible ou dompter l’indomptable.
Car que l’on soit d’accord ou pas sur le retour du loup chez nous, je suis persuadé que nous n’aurons finalement pas grand chose à dire : c’est la Nature qui reprend ses droits.